En raison d'une demande croissante et du manque de capacités, 2017 a été une année record pour le transport aérien de marchandises en termes de bénéfices, entraînant une hausse drastique des prix. Ces derniers mois soulèvent plusieurs questions. Loïc BENATTAR, Vice-Président Asie Pacifique du Groupe Bansard International, nous propose son analyse.
CETTE ANNÉE, LE PRIX DU FRET AÉRIEN A CONNU UNE FORTE INFLATION. QUELS ONT ÉTÉ LES ÉLÉMENTS DÉCLENCHEURS ?
Loïc BENATTAR : "Tout le monde se souvient de la crise des espaces en 2009. Depuis, le marché du fret aérien est resté assez calme avec une tendance à la baisse du coût du fret et beaucoup d'espaces disponibles. Ceci a poussé les compagnies aériennes à ne plus investir et à se désengager des capacités cargo qu'elles avaient, notamment au départ de Chine sur l’Europe afin d'avoir plus d'espace vers d'autres axes comme au départ de Chine vers les Etats-Unis ou depuis l'Europe vers d'autres destinations generant plus de revenus (Afrique, Amérique du Sud...)
2016 a été une année surprenante ! L'évolution du marché n'a pas pu être anticipée, notamment de septembre 2016 à mars 2017. En 2017, le marché a été extrêmement dynamique, même pendant la traditionnelle saison dite basse, low season. Les prix n'ont donc pas baissé et les problèmes d'espace ont subsisté. Dans ce contexte, les commissionnaires de transport qui depuis de nombreuses années sécurisent l'achat d'espaces avec les compagnies aériennes ont fait la différence face à ceux qui achètent en spot. Les deux modèles peuvent fonctionner ensemble, mais cette année il est clair que ceux qui avaient des partenariats avec les compagnies aériennes ont marqué des points depuis mars. La tendance du marché ne semble pas s'inverser jusqu'à la fin 2018. Le marché est à un niveau de prix qui n'aurait même pas pu être imaginé il y a encore un an !
POURQUOI LE MANQUE D'ESPACE PERDURE ?
LB :"Le manque de capacité vient du fait que la demande de fret a tout simplement beaucoup augmenté. Et les compagnies n'ont plus investi dans des capacités cargo. Ainsi, par exemple, le groupe Air France-KLM a modifié ses vols combinés (passager+cargo) en vols uniquement passager (PAX) ce qui a évidemment modifié leurs capacités cargo au départ de Hong Kong, Shanghai et Pékin. Les compagnies aériennes spécialisées dans le transport cargo, jadis en difficultés, sont aujourd'hui très plébiscitées! Tous leurs espaces sont pris notamment sur le marché américain, qui a dépassé les 5-6$/kilo. Face à une demande foudroyante et soutenue, ils ont dû mettre en place des vols charter pour compenser la pénurie d'espace.
Par ailleurs, un autre paramètre vient renforcer la peak season : la Winter season, saison d'hiver de septembre à février. Comme moins de monde voyage, il y a moins de vols ou alors des vols sur des avions plus petits, ce qui réduit la capacité cargo sur les vols passager.
Ensuite, le deuxième facteur à prendre en compte est l'évolution de la demande. La demande de fret aérien est très soutenue aux Etats-Unis et en Europe afin de répondre aux besoins des marchés. Si, auparavant, la demande cherchait principalement à faire des économies de coût. Désormais, elle est focalisée sur les délais, qui doivent être de plus en plus courts. Certains secteurs d'activité comme les technologies 'high tech' sont demandeurs d'une mise sur le marché rapide de leurs produits et accessoires dans de grosses quantités. Apple, Samsung, HP... requièrent des vols charter et occupent la majorité des capacités pendant la peak season. Au même moment, en plus des flux traditionnels de marchandises, il y a des produits relâchés ponctuellement sur le marché et pour lesquels les entreprises sont prêtes à acheter du fret beaucoup plus cher pour bénéficier de vols directs et de délais plus courts.
Prenons pour exemple, un Iphone! Il coûte plus de $1000 et pèse environ 400 g par boite. Avec un coût du fret à 6€ le kg, l'impact sur le prix du produit reste très bas. Ces produits doivent être sur les étalages pour la période de Noël, ils ont besoin d'être sur le marché à temps.
Enfin, le dernier facteur que l'on peut analyser, c'est le développement du cross-border e-commerce. Les produits sont directement préparés depuis la Chine et ils sont soit livrés aux particuliers soit sur les plates-formes Amazon."
LE GROUPE BANSARD A-T'IL ÉTÉ IMPACTÉ PAR LA POLITIQUE AMAZON ?
LB : Oui, Amazon est un acteur qui a transformé le marché. Traditionnellement les stocks étaient envoyés par conteneurs en Europe, aux Etats-Unis, puis dispatchés sur différentes plates-formes e-commerce ou directement vers le consommateur final. Aujourd'hui, le marché a changé de modèle, orienté vers la préparation de commandes à l'origine (Chine), puis d'envoi de petits colis directement sur l’Europe ou les Etats-Unis avec des systèmes de douanes simplifiés spécifiquement liés aux droits de douanes et TVA. Plus besoin d'avoir d'entreprises en Europe ou aux Etats-Unis pour pouvoir importer et livrer à des particuliers !
Cela créée un tout nouveau marché, celui du "petit" colis. Ces colis sont envoyés directement à Amazon ou sur d’autres plates-formes e-commerce européennes ou américaines. Des fournisseurs chinois vendent leurs produits en direct en incluant dans leurs prix le coût du fret. Cela nous ouvre les portes d'un nouveau marché, celui des producteurs asiatiques qui vendent directement au consommateur final via ces plateformes e-commerce.
La hausse des prix du fret aérien est généralement supportée par les e-commerçants cherchant à livrer leurs produits rapidement. Au sein des différentes plates-formes e-commerce, comme Amazon, ils sont notés en fonction de leur fiabilité et également sur la livraison. Ces plates-formes sont exigeantes et poussent les e-commerçants à respecter leurs engagements car ces notes déterminent leur référencement. Ils sont donc prêts à payer le prix pour bénéficier de moyens de plus en plus fiables en terme de douanes, de rapidité de transport, et ce afin de respecter leurs délais.
En 2017 lors de la peak season, nous estimons que 20% à 25% des soutes d'avions ont été remplies de produits e-commerce. En 2018, je pense que ce sera plus de 30% du fret à l'année qui sera concerné . Cette tendance est encore plus marquée de l'Asie vers l'Europe ou les Etats-Unis. Il faut aussi noter que les Etats-Unis ont un système de douanes simplifiées qui permet à chaque foyer américain d'avoir un maximum d'importation par jour, sans taxes et sans droit de douanes. Cela facilite l'import de petits colis de la Chine, ce qui a poussé à la globalisation. Un producteur/fournisseur chinois peut directement vendre à un consommateur européen ou américain, similairement à Amazon, et cela facilite l'accès rapide à d'autres produits qui sont par ailleurs envoyés par avion."
QUELLES SONT LES ALTERNATIVES AU TRANSPORT AÉRIEN ?
LB : "Le transport ferroviaire et le transport maritime sont des alternatives ! Un conteneur Chine - Los Angeles voyage en moins de 15 jours. Sur l'Europe, le transport maritime nécessite un délai moyen de 30 jours. Toutefois, la solution ferroviaire permet de gagner environ une semaine, mais à un prix plus élevé. La solution Sea-Air est un moyen économique également pour le marché cross-border e-commerce. Elle est couramment utilisée via la Corée, Singapour ou Dubaï. Cette solution a augmenté de 50% cette année par rapport à 2016. Elle pourrait être un véritable axe de développement en 2018."
COMMENT BANSARD A RÉAGI PENDANT CETTE PEAK SEASON 2017 ?
LB : "Bansard International est un acteur actif du marché en Europe et en particulier en France en termes de fret aérien. Nous avons une entreprise dynamique de taille moyenne. Nous ne sommes pas les meilleurs sur toutes les destinations. En revanche, nous sommes très spécialisés sur certains marchés tels que la France, le Royaume-Uni, l'Espagne, ou encore l'Allemagne. Nous avons pris des engagements auprès des compagnies aériennes lorsque le marché était au plus bas et qu'il n'y avait pas de cargo. Nous avons mis en place des partenariats à long terme qui aujourd'hui nous permettent d'avoir cette position de leader sur le marché Chine-France. Le respect de nos engagements avec les compagnies aériennes et nos partenaires locaux a particulièrement été important lorsque les compagnies aériennes ont eu besoin de nous et vice versa. C'est grâce à cela que nous avons pu nous développer et obtenir des espaces en cette période difficile, et ce à prix d'or. Cette Peak Season, par ailleurs, nous a permis de fidéliser nos clients et partenaires en livrant dans les délais."
QUELS SONT LES OBJECTIFS DU GROUPE BANSARD INTERNATIONAL?
LB : Pour le transport aérien, notre objectif est de poursuivre notre politique de partenariats et nos engagements à la fois vis-à-vis des compagnies aériennes partenaires mais aussi vis-à-vis de nos clients. Nous ne prenons pas nos engagements à la légère. Nous avons la réputation d'être un partenaire fidèle. En 2017, nous avons développés nos flux de plus de 30%. Aujourd'hui, plusieurs compagnies s'intéressent au Groupe Bansard International. Nous tenons à notre réputation.
Notre deuxième objectif est de devenir un acteur majeur sur le marché du e-commerce entre la Chine et l’Europe. Bansard International est une des seules compagnies capables de dédouaner les petits colis vers l'Europe avec une maîtrise de la supply chain de A à Z: présence à l'origine, contrats d'engagements aérien, licence pour dédouaner les petits colis, contrats last-mile pour permettre aux clients de choisir des services faits sur-mesure , tout comme le door-to-door entre l'Asie et l'Europe. Ce système cross-border est basé sur notre système IT, à la pointe de la technologie, capable de suivre les produits, un outil fiable, rapide et compétitif sur le marché. 15% de nos flux sont des flux e-commerce. Cette part pourrait augmenter de 25% d'ici à 2019.
Nous avons été précurseurs sur les solutions cross-border e-commerce. Nous sommes aujourd'hui les seuls à proposer une solution door-to-door sur l'Europe. En 2018, nous planifions de lancer cette solution vers les Etats Unis.
Bansard International, expert in air freight forwarding since 1963 and leading company in air freight forwarding from China to Europe.